L'histoire du Saint Nectaire est liée à celle d'une grande région du fromage. En Auvergne, les fromages s’inscrivent dans le patrimoine, au même titre que les églises romanes et les eaux thermales. Ils sont même les plus anciens porte parole de cette région puisque les Arvernes en développèrent la fabrication et que les Romains furent frappés par la qualité des fromages du Massif Central.
L'histoire du Saint Nectaire remonte au Moyen Age, quand les paysans payaient les seigneurs en "fromage de gléo" (paille de seigle). La fabrication du Saint Nectaire s’étendait alors au-delà de la zone des Monts Dore pour descendre jusque sur l’Aubrac.
Au XVIe siècle, le développement des exploitations ainsi que la transhumance caractéristique des Monts du Cantal et de l’Aubrac firent opter les paysans pour des fromages de plus grands formats, combinant une production mixte de « gléo » durant l’hiver (avec moins de lait disponible) et de "jouhanal" (ancêtre du Cantal) avec les plus fortes productions laitières de l’été ; d’où le chevauchement aujourd’hui encore des deux zones de production du Saint-Nectaire et du Cantal qui ont en commun les caractéristiques d’une pâte pressée non cuite.
Henry de Senectère (1573-1662), premier du nom, Seigneur de Senectère, Valbeleix, La Ferté Nabert et Marali en Anjou, ambassadeur en Angleterre et à Rome, membre du Conseil secret sous Louis XIII, Ministre d’état sous Mazarin, grand politique et serviteur fidèle et désintéressé de l’Etat, eut un fils, Henry II (1600-1681), baron de La Ferté. Le jeune homme fut attiré très tôt par les armes. Il se distingua à Hedin en 1638 où il fut nommé maréchal de Camp. Nommé après la bataille de Rocroi Lieutenant général des armées du Roi, il recevra en récompense le Gouvernement de la Lorraine, Barrois et Clermont. Le bâton de Maréchal de France lui est attribué en 1651. Après la signature du traité de paix entre la France et l’Espagne, le Maréchal de Senectère est fait Gouverneur de Metz et Vic et de l’Evêché de Verdun. En 1666, Louis XIV érige la baronnie de la Ferté Saint-Nectaire en Duché-Pairie. Henry II de Senectère se consacrera alors à la promotion du fromage qui porta, dès lors, le nom de son illustre famille. Louis XIV demandant souvent, dit-on, des fromages de Monsieur de Senectère, aurait ainsi consacré l'histoire et l’appellation Saint-Nectaire.
Entre 1700 et 1800, les fromages d’Auvergne n’étaient pas à la mode car d’autres régions françaises avaient su améliorer leur production fromagère et les fromages étrangers avaient conquis une place de choix. Le XVIIIe siècle verra ainsi une tentative de fabrication de gruyère dans la région du Mont Dore, sous l’impulsion de l’intendant Trudaine qui y attirera des fromagers suisses. Le dédain des paysans auvergnats pour le gruyère provoquera le départ des suisses. De leur côté, les producteurs réussissaient à améliorer la fabrication du Saint-Nectaire.
Pendant la période de guerre de 1792 à 1815, de jeunes soldats auvergnats découvrent la Hollande. De retour au pays, ils mettent en pratique les méthodes de fabrication qu’ils y ont vues. Un comité composé de fromagers auvergnats se rend en Hollande à son tour pour parfaire l’application des méthodes de fabrication hollandaises dans la fabrication du Saint-Nectaire. De fait, la fabrication du Saint-Nectaire s’améliore entre 1830 et 1850 mais aussi elle augmente.
Dans la première moitié du XXe siècle, la production demeure à 100 % fermière, caractéristique des petites et moyennes propriétés. D’abord liée à un système économique autarcique où les villages producteurs - surtout en montagne - étaient particulièrement isolés, la production de Saint-Nectaire connaît une période de régression, entre 1929 et 1950, en raison d’un exode rural massif et d’une mécanisation déficiente. Bien que subissant le préjudice d’imitations venues d’autres régions de France ou d’Italie, le Saint-Nectaire ne fera pas partie de la première tentative de classification des fromages faite par le Ministère de l’Agriculture le 3 février 1934, ni dans le décret du 20 octobre 1936 définissant les 22 espèces de fromage dont on reconnaît la "dignité nationale". Il n’y apparaîtra qu’en 1941.
Cette situation va amener les producteurs, sous l'impulsion de Pierre Boyer, à s’unir pour défendre leurs intérêts en créant, en 1935, la Société d’Élevage et d’Amélioration des Produits Laitiers des Cantons de la Montagne de Besse et d’Issoire qui aboutira, après seulement 4 années, à n’avoir plus que 20 % de fromages imparfaits. Le jugement du Tribunal d’issoire du 1er décembre 1955 précisant que les fromages bénéficiant de l’appellation "Saint-Nectaire" doivent être fabriqués avec du lait de vache frais et entier, caillé avant refroidissement aussitôt après la traite précisera le cadre de la fabrication de Saint-Nectaire fermier.